Voilà voilà!!!
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Calleigh Duquesne s'avança lentement à l'intérieur de l'appartement, prenant garde à ne toucher à rien. Eric la suivait, dirigeant son regard à droite et à gauche, déjà à l'affût des moindres détails.
Tout comme Larry un peu plus tôt, ils remarquèrent les objets tombés du meuble de l'entrée: clés de voiture, téléphone portable, et du courrier prêt à être expédié. Ensuite les traces de sang. Celles-ci menaient directement au bar de la cuisine, à quelques mètres de là. Entre les premières gouttes de sang et l'endroit où Kyle avait été retrouvé, inconscient, ils constatèrent quelques indices suggérant qu'il y avait eu lutte. Tout d'abord grâce au sang, à la forme et la direction des traces. Et grâce aussi aux divers objets déplacés: un bouquin qui gisait sur le sol, un cendrier dont le contenu s'était répandu et qui avait été jeté sur le canapé, jusqu'au téléphone de la cuisine. Or ce dernier n'avait probablement pas été dérangé pendant la lutte, mais après.
Hormis tout cela, la pièce principale ressemblait plus à un atelier d'artiste qu'à un appartement classique. Du matériel à dessin, tels que des crayons, des fusains, ainsi que des blocs de feuilles de différents formats comblaient les quatre coins de la pièce. Certains dessins étaient fixés au mur à l'aide d'une simple punaise. La majeur partie des bouquins disséminés un peu partout, dont celui qui était au sol, traitaient de peinture, d'art et de thèmes approchant.
Eric enfila des gants de latex, et se pencha par la fenêtre ouverte sans rien toucher. En bas, il vit Ryan qui venait de commencer son travail dans les escaliers de secours métalliques. D'après la personne qui avait découvert la victime et appelé les secours, Larry, la fenêtre était déjà ouverte à son arrivée. Ce qui pouvait signifier que l'agresseur était passé par là, soit en entrant, soit en quittant les lieux. Cette dernière possibilité semblait la plus probable étant donné les signes de lutte dès le seuil de l'entrée...
Ryan leva la tête et aperçut son coéquipier. Il lui fit signe. Eric lui répondit en retour, avant de disparaître à l'intérieur de l'appartement de Kyle Jefferson. Il s'empara de son appareil photo et se mit à imprimer sur pellicule chaque recoin de la pièce, chaque détail.
Calleigh revint de l'entrée:
_La serrure n'est pas fracturée, annonça-t-elle.
_Jefferson connaissait son agresseur? suggéra Eric.
_Possible.
Elle parcourait la pièce, en attendant qu'Eric ait prit toutes les photos nécessaires à l'enquête. Feuilletant un bloc à dessins, elle fit une moue admirative.
_Il est doué.
Eric jeta un oeil sur les oeuvres de Kyle, et acquiesça. Le style de Jefferson était précis, ses personnages un brin caricaturaux, à la Norman Rockwell. Du grand art.
_Il pourrait en vivre... songea-t-il tout haut.
_D'après Frank, il est chauffeur de taxi, lui apprit Calleigh.
_Pour arrondir ses fins de mois?
_Possible, répondit-elle une seconde fois.
Eric en avait pratiquement terminé. Il sortit alors de sa mallette son matériel afin de procéder aux prélèvements de sang.
Calleigh mit la main sur l'agenda de Kyle. Elle l'ouvrit à la date d'aujourd'hui ainsi que de la veille, et consulta les rendez-vous et notes des jours précédents.
_Jefferson a des clients réguliers. La famille Arenas. Ce nom ne te dit rien?
_Arenas... réfléchit-il. Non, rien de spécial.
Calleigh haussa les épaules. Il lui semblait avoir déjà entendu ce nom quelque part. Ce n'était peut-être rien. Peut-être un simple homonyme.
_Il a travaillé pour eux, hier: "RDV 1730 - Retour 19", lut-elle. C'est le cas environ trois fois par semaine. Il y a aussi des rendez-vous avec un certain LeClair.
Au début de l'agenda, elle trouva une carte de visite concernant ce monsieur: Louis LeClair. Il s'agissait d'un publicitaire de Miami. Sur une autre carte au nom de Ronald Fergusson, était griffonné un numéro de portable. Ce dernier était scénariste. D'après le design de sa carte, il faisait dans la bande dessinée.
Le reste ne faisait référence qu'à des rendez-vous communs chez le médecin, des anniversaires et autres banalités.
Pendant qu'Eric enfermait le cendrier tâché de sang dans un sachet plastique et en faisait de même avec le bouquin trouvé sur le sol, Calleigh termina son inspection générale dans les autres pièces. Apparemment, rien n'avait été dérangé dans le reste de l'appartement. Rien ne semblait manquer. Elle avait même trouvé un peu d'argent liquide sur la commode de la chambre. Il ne s'agissait donc pas d'un cambriolage.
_Regarde-ça, lui dit Eric quand elle le rejoignit.
Il était accroupi près du canapé, là où le contenu du cendrier s'était répandu. Sur le sol, il lui indiqua une trace de sang tout à fait particulière. D'après la forme et la direction des giclures, il était évident pour les enquêteurs que l'agresseur avait frappé sa victime alors qu'elle était déjà au sol. Un coup probablement porté au visage. Avec un peu de chance, ils trouveraient des empreintes digitales, voire des cellules épithéliales sur le cendrier, en plus du sang de Jefferson.
Calleigh s'occupa de la fenêtre. Elle y chercha des indices du passage de l'agresseur. Peut-être qu'il s'était accroché quelque part, même de façon infime, ou bien avait-il laissé une empreinte.
Au bout d'un quart d'heure, elle se trouva nez à nez avec Ryan.
_La pêche a été bonne? lui demanda-t-il.
_Plutôt encourageante. Et de ton côté?
_Disons que... Il regarda en contre-bas, puis adressa un haussement de sourcils entendu à Calleigh:
_C'est un lieu de passage...
Quand il en eut fini, Eric quitta l'appartement et descendit à la voiture afin d'y charger son matériel et les résultats de son travail. Il croisa le détective Frank Tripp qui interrogeait un homme d'une cinquantaine d'année, deux sacs en papiers posés à ses pieds.
L'homme revenait de faire ses courses et, alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui, il avait aperçut la police dans l'appartement de son voisin.
Tout comme la veille au soir. Alors qu'il s'apprêtait à rentrer chez lui. Il avait entendu un bruit sourd en traversant le couloir.
_Je me suis demandé ce que c'était et d'où ça venait, racontait-il au détective. J'ai entendu une dispute, aussi. Une voix d'homme, en colère. J'ai tendu l'oreille et j'ai entendu un autre bruit. C'est là que je me suis dit que ça venait de chez Jefferson. Je suis allé à la porte, et j'ai frappé.
_Il y a quelqu'un?
Le voisin colla son oreille contre la porte, mais il n'entendit plus rien. Pourtant ça venait de là. Il en était certain. Et Kyle Jefferson n'était pas du genre à faire tant de tintouin.
Il frappa encore:
_Est-ce que tout va bien?
Au bout d'un moment, le voisin haussa les épaules. C'était très étrange. _Très bizarre, insista-t-il. Là, le doute m'a prit. Je me suis dit que je m'étais fait des idées, et... je suis rentré chez moi.
_Ces bruits, voulut savoir Tripp. C'étaient des bruits de lutte?
_Mmh, c'est fort possible, en effet... Ah, je m'en veux, j'aurais dû insister. Comment va-t-il?
_Pour l'instant, on n'en sait rien.
_J'imagine que c'est grave? Sinon vous ne seriez pas si nombreux...
_Quelle heure était-il? demanda alors Frank, imperturbable.
_Il devait être 23 heures, à peu de choses près.
_Est-ce que vous avez remarquez quelque chose d'inhabituel, ces derniers temps?
Le voisin secoua la tête.
_Non. Vous savez, je ne le connais pas très bien mais d'après moi, c'est un brave type, sans histoires.
_Un "monsieur-tout-le-monde", conclut Tripp.
Le voisin confirma. Il donna son numéro de téléphone au détective, et puis il put rentrer chez lui.
à suivre.............